"Un rayon de soleil traversait les nuages. Seule au monde, elle riait aux éclats. A présent plus rien n'avait d'importance, plus rien d'autre que cette vie qui attendait dans son ventre rebondi."

Une petite touffe de cheveux bruns sur en plein milieu du crâne, ce fût la première chose de Soraya qu'on vit sur Terre. S'ensuivirent les pleurs, les sourires, les grognements, les premiers mots et le nuits difficiles où la petite fille refusait de dormir. Ils en passèrent des nuits blanches à Paris, à guetter sa respiration, à écouter son cœur battre. La fille unique de la famille Denster. Un bijou précieux à protéger. Il arrivait que les deux parents se relaient au cours de la nuit pour être sûr qu'un au moins puisse surveiller la vie de leur précieux trésor. Un miracle pour une mère à qui on avait dit qu'elle ne pourrait pas avoir d'enfant, voilà ce qu'était Soraya. Un cadeau du ciel. A trois ans, bien que ses cheveux soient maintenant répartis sur l'ensemble de son petit crâne, ses parents étaient toujours après elle. Surveillant ses moindres faits et gestes et prenant soin de la petite. Si elle se blessait ou se mettait à pleurer, c'était la panique totale à la maison. L'appartement parisien raisonnait du bonheur d'une famille unie.

"America here we come". Le petit mot qui accompagnait les trois billets pour l'Amérique étaient clairs. Soraya rêvait depuis longtemps de découvrir le pays de son père. Le rêve américain lui tendait les bras. A dix ans, elle jonglait entre l'américain et le français à la maison. Mais son sourire s'effaça lentement au fur et à mesure qu'elle comprenait. Trois billets, trois allers simples. Pas de retour. Elle allait devoir abandonner Paris et ses amies. Ses traits se durcissaient en une grimace boudeuse. Mais cette fois les pleurs ne servirent à rien. Ses parents qui lui avaient souvent tout cédé ne reviendrait pas sur leur décision cette fois ci. L'avion décolla en juillet, dans un ciel bleu azur ponctué de nuages blancs. Collée au hublot, Soraya regardait la France s'en aller, serrant dans ses mains, la lettre de ses amies pour son départ. Elles s'étaient promis de s'écrire souvent, mais le temps qui passe aller effacer leurs serments d'amitié éternelle.

"Loin, loin, si loin de moi. Si loin de nous. La vie ne nous a pas laissé suivre ce chemin si fleuri et si joli. La mort a tout arraché. Mes jeux d'enfants se sont enfuis avec toi. Loin, si loin, vers un horizon incertain."

Tout de noir vêtue, l'assemblée fixait une boîte en bois. Les yeux perdus vers le ciel, Soraya se demandait vers quel horizon était partie sa mère. Elle les avait quittée, terrassée par un cancer. Un simple amas de cellules dans le cerveau et tout avait changé. Elle tenait le bras de son père, pour l'empêcher de s'effondrer sous son propre poids. La vie d'une famille venait de s'effondrer, comme la vie d'autres familles à chaque seconde dans le monde. Elle se voulait forte, pour son père. Ses parents lui avaient tant donné, elle lui devait bien ça. Le soutien. Soraya ravala les larmes qui perlaient au coin de ses yeux pour être cette jeune fille digne dans le deuil. Elle resserra sa prise sur le bras de son père et posa les yeux sur le cercueil. Une nouvelle tombe allait naître dans ce cimetière. Tous les jours elle viendrait poser des fleurs et entretenir la dernière demeure de sa mère. "Ci-gît Sophie Denster, mère et femme aimée".

Le monument préféré de sa mère tatoué au creux de la hanche, Soraya avait décidé de conquérir le monde. Pour que sa mère soit fière d'elle, où qu'elle soit. Pour que son père n'ai plus jamais à s'en faire pour elle. Pour que les rides cessent de se creuser entre ses yeux toujours plissés. Des heures durant elle pouvait dessiner des modèles, ou défiler devant son miroir. Ca avait été leur rêve, à sa mère et elle, le monde de la mode. Aujourd'hui elle se sentait prête, assez forte pour y arriver.